Barbara d’Antuono

Née en 1961 à Varese, Barbara D’Antuono quitte l’Italie pour la Corse en 1968.       

C’est au cours de son séjour en Haiti de 1982 à 1986 que se révèlent à elle le magique, ses démons intérieurs et toute l’esthétique de son travail de plasticienne.

Sa rencontre avec le Baron Samedi et toute la mythologie liée au vaudou, le « non vivant » et son effraction psychique et corporelle qui en résultent ainsi que les éclaboussures traumatiques liées au coup d’état en 1986 et aux exactions dont elle fut témoin vont la précipiter dans une nécessité de dire l’indicible. Cet indicible qui surgit sous le masque d’un « familier inquiétant » subit sous son geste sublimatoire une métabolisation sacrée/religieuse : qu’elle condense dans un syncrétisme baroque flamboyant .    Elle brise la cohérence, la continuité des apparences par sa liberté d’occupation de l’espace et de l’interprétation des perspectives. Ses compositions sont parfois inspirées de storyboard ou de vignettes BD, des images se superposent et semblent être jetées au hasard sur le tissus, des personnages s’échappent des cadres et s’affranchissent de leur décor. 

« Je couds comme certains récitent des mantras. Je ne décide rien à l’avance. Des images surgissent, sans cohérence particulière les unes avec les autres mais elles sont là et je ressens une urgence à leur donner corps. Ce mouvement de l’aiguille, cette répétition est un non sens au regard de ma raison : il s’impose au delà de toute prédétermination comme une sorte de scansion atemporelle.Coudre, suturer, refermer ces plaies, greffer un tissu sur un autre, mais aussi « broder » pour donner un sens, pour témoigner parfois de mon désir profond de réunir ces deux cultures qui m’habitent. Tissu humain, tissu psychique là ou l’aiguille, par ces allers-retours, creuse des trous/vides par lesquels s’échappent mes démons. Tissus abîmés, déchirés…  et mes tentatives afin de joindre les bords que creuse cette béance qui ne cesse de s’ouvrir : la faille de l’être…hémostase impossible dans tous les cas ».

C’est dans cette frontière entre champ et hors champ que cette polarité double surgit telle la surface d’une bande de Moebus : mort/vie, mère/vierge, monothéisme/paganisme, horreur/fascination,  réel/magique,  visible/invisible….
Ce hors champ qui stimule un imaginaire, on cherche à voir, à épier ce qui est à la fois présent et absent, ce quelque chose qui est là mais voilé : Das Unheimliche : ce familier inquiétant.

De cette révélation « extime» va surgir un monde jubilatoire onirique, ironique, carnavalesque et naïf parfois où l’humour n’est jamais loin et Haiti toujours présent.